HISTOIRES D’INFIRMIÈRES – UNE CONVERSATION À LA FOIS

Alors qu’on parle avec familiarité au téléphone, je me souviens de notre dernière conversation il y a environ 6 mois. (Rosa) semblait mal à l’aise, elle faisait les cent pas dans la pièce. Au début, je pensais qu’elle cherchait un endroit où son cellulaire aurait une meilleure réception. Mais sa transition d’un endroit à l’autre n’était pas évidente parce que je l’entendais très bien. Sa voix était changeante, mais restait surtout basse. À un moment donné, je me suis surpris à murmurer pour m’adapter à son ton. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui demander : « Pourquoi est-ce que tu murmures ? » Après une longue pause, elle me dit enfin, entrecoupé de silences : « Il y a des gens qui entrent et sortent de mon appartement. Ils ne savent pas. » 

  (Rosa) vit dans une maison de retraite. Elle semblait sincèrement vouloir garder le contrôle sur son « secret ». Ce jour-là, des agents d’entretien s’occupaient de son étage et un ou une préposée devait l’aider à s’habiller. Elle cache ses bouteilles de cannabis des regards indiscrets, simplement derrière une vieille boîte à savon Brillo.  

Elle disait qu’elle serait perçue de façon dramatique par les autres résidents comme « une consommatrice régulière de drogues » s’ils venaient à l’apprendre. Ses pairs adhèrent toujours à certaines idées reçues et autres croyances. Elle a appris à connaître en détail les allées et venues quotidiennes des préposé·e·s et, par conséquent, elle prend son huile de CBD en temps opportun. 

Six mois plus tard, j’ai senti qu’elle était devenue plus audacieuse, une contemporaine qui avance à contre-courant. Elle m’a expliqué : elle s’est engagée avec résolution, et tâte le terrain en quelque sorte. Pendant un thé de l’après-midi, elle a rapporté à ses voisins un reportage sur les bienfaits du cannabis médical. Comme on pouvait s’y attendre, les réactions atteignent un sommet. Les opinions personnelles et le soi-disant « bon sens » s’entrechoquent, accompagnés de la même grimace qu’un enfant devant un brocoli. Mais au milieu de toute cette dissonance, (Rosa) a été rassurée de voir que les personnes de bonne volonté donnaient leur appui en faveur cannabis médical. Elle n’était pas seule. Même si c’est encourageant, elle n’est pas encore tout à fait prête à mettre au grand jour ses bouteilles de CBD. 

Des petits pas pour changer la perception du public. Une (Rosa) à la fois.  

Auteur : Pheng Lim, Infirmier auxiliaire 

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