La sclérose en plaques et les traitements à base de cannabinoïdes

Il n’y a pas deux cas de sclérose en plaques (SP) qui se ressemblent – l’évolution de la maladie, les symptômes et les expériences de ceux et celles qui vivent avec la SP varient d’une personne à l’autre. Par conséquent, deux personnes n’auront pas nécessairement besoin ou envie d’essayer les mêmes traitements. À Santé Cannabis, nous croyons qu’il faut donner aux patients et aux professionnels de la santé toutes les informations pour prendre des décisions éclairées et adaptées à leur cas particulier.

À l’occasion de la Journée Mondiale de la sclérose en plaques (le 30 mai), nous explorons les informations les plus récentes sur la sclérose en plaques et les traitements à base de cannabinoïdes. 

En tant que cliniciens et chercheurs, nous partageons les éléments importants à retenir pour les professionnels de la santé, la littérature la plus récente sur la SP et les traitements à base de cannabinoïdes, des informations provenant de nos cliniques et le point de vue de l’une de nos défenseurs des droits des patients.

 

Qu’est-ce que la sclérose en plaques (SP) ?

La sclérose en plaques est une maladie auto-immune et neurodégénérative qui affecte la moelle épinière et le cerveau, amenant divers symptômes en fonction de la partie du système nerveux central qui est affectée. Une maladie auto-immune est une maladie dans laquelle le système immunitaire attaque des parties saines du corps. 

Dans la SP, les cellules impliquées dans la neuro-inflammation prennent la myéline (la barrière protectrice autour des neurones) pour un antigène étranger et l’attaquent à répétition. La gaine de myéline peut être réparée, mais elle garde des cicatrices. C’est donc l’accumulation de cicatrices dans de multiples zones qui provoque un large éventail de symptômes.

Les symptômes les plus fréquents sont la spasticité, la douleur, les tremblements, l’altération de l’équilibre et de la coordination, la difficulté à marcher, la fatigue, la dépression, les dysfonctionnements intestinaux et de la vessie, les troubles cognitifs et les troubles sensoriels. Il n’y a pas deux cas identiques, et des personnes différentes expérimenteront des symptômes différents à différentes intensités. 

La sclérose en plaques est divisée en quatre sous-types en fonction de l’évolution de la maladie, notamment de la fréquence des poussées (attaques) : le syndrome clinique isolé (SCI), la forme cyclique (poussées-rémissions) (SPRR), la forme progressive secondaire (SPPS) et la forme progressive primaire (SPPP). 

La sclérose en plaques est l’une des maladies neurologiques les plus communes, touchant 2,8 millions de personnes dans le monde. La sclérose en plaques peut se manifester à tout âge, mais est généralement diagnostiquée chez les personnes âgées de 20 à 49 ans. Elle est plus fréquemment observée chez les femmes que chez les hommes. 

Le Canada a l’un des taux les plus élevés de sclérose en plaques avec une prévalence estimée à 250 pour 100 000 habitants

 

9 éléments à retenir pour les cliniciens, de la part des cliniciens de Santé Cannabis :

    1. Au Québec, le cannabis médical ne doit être envisagé qu’après l’échec des traitements de première intention. Après avoir essayé d’autres traitements, vous pouvez envisager de discuter des traitements à base de cannabinoïdes avec votre patient. Si vous ne savez pas par où commencer, vous pouvez vous inscrire à notre Programme de formation pour prescripteurs et accéder à des ressources éducatives et à une ligne d’assistance médicale. 
    2. Il existe des preuves scientifiques concluantes qui soutiennent l’utilisation du cannabis médical pour la spasticité liée à la SP (GW Pharma Ltd 2012).
    3. Le delta-9-Tétrahydrocannabinol (THC) est le cannabinoïde identifié dans les études comme étant bénéfique pour la spasticité chez les patients atteints de SP. En clinique, nous constatons généralement que le THC peut aider à soulager la spasticité et les douleurs liées à la SP. De plus, le cannabidiol (CBD) peut aider certains patients souffrant de spasticité ou de douleur. Le CBD a l’avantage de ne pas avoir beaucoup d’effets indésirables et ne produit pas l’effet indésirable d’euphorie, qui est typiquement associé au cannabis. 
    4. Le THC a plus d’effets indésirables que le CBD, notamment l’euphorie et la sensation d’être «gelé». Cependant, il est possible de prendre du THC médicalement sans avoir d’effets indésirables ou sans se sentir «gelé» : la clé est de commencer à de très faibles doses et d’augmenter très lentement la dose.
    5. Les plans de traitement pour les différents symptômes liés à la SP sont décrits dans le matériel éducatif que nous proposons dans le cadre de notre Programme de formation pour prescripteurs
    6. En raison de la très faible quantité de récepteurs cannabinoïdes dans la moelle épinière, il est impossible de mourir d’une overdose de cannabis (Organisation mondiale de la santé). Toutefois, des accidents peuvent être associés à des facultés affaiblies par les effets secondaires du cannabis. 
    7. Le cannabis a des contre-indications comme beaucoup d’autres médicaments; il est important de connaître les contre-indications et d’évaluer les patients avant d’initier un traitement à base de cannabinoïdes.
    8. Les capsules sont des huiles concentrées placées dans une capsule à des doses spécifiques et peuvent remplacer l’huile de cannabis pour une méthode d’administration par ingestion (action prolongée). Cela peut en faire une méthode d’administration privilégiée pour certains patients.
    9. Les patients avec la sclérose en plaques ont souvent des problèmes de sommeil; le cannabis au coucher peut aider à dormir sans se soucier autant des conséquences des effets indésirables (Zajicek et al. 2003; Schabas et al., 2019).

     

« En tant qu’infirmière moi-même, je sais à quel point il est important d’examiner et de s’informer à propos des options de traitement pour les patients que je vois. En tant que professionnels de la santé, nous avons la responsabilité de nous tenir bien informés pour la sécurité et la qualité de vie de nos patients, et cela inclut de se renseigner sur les traitements à base de cannabinoïdes. »

-Andrée Charbonneau, Infirmière, Coordonnatrice de l’équipe infirmière

 

Les traitements disponibles en ce moment

Il n’existe actuellement aucun médicament pour guérir la SP, mais plusieurs traitements pharmaceutiques existent pour contrôler l’inflammation, gérer les poussées et les symptômes concomitants de la SP. Les médicaments modificateurs de l’évolution de la SP, comme leur nom l’indique, ont un impact sur l’évolution de la maladie ; ils sont généralement efficaces pour la SP cyclique et, en traitement précoce, peuvent être utiles pour prévenir l’invalidité à long terme. Les thérapies symptomatiques sont utilisées pour soulager des symptômes précis, notamment la douleur neuropathique, qui peut être contrôlée par des antidépresseurs, des antiépileptiques et des opioïdes, et la spasticité, qui peut être traitée par des relaxants musculaires. 

Des recommandations générales relatives au mode de vie, telles que l’exercice et une alimentation équilibrée, peuvent également être bénéfiques aux patients.

 

Les traitements à base de cannabinoïdes dans la SP 

La recherche sur la SP et les cannabinoïdes a débuté il y a plus de quinze ans avec un vaste essai contrôlé avec placebo et randomisé sur 630 patients avec la sclérose en plaques stable et avec spasticité musculaire (Zajicek et al. 2003, 2005). Les patients recevaient de façon aléatoire soit le placebo, un extrait oral de cannabis (THC:CBD), ou du delta-9-THC, en commençant par une dose quotidienne de 5 mg jusqu’à une dose maximale de 25 mg/jour de médicament actif pour une durée totale de 15 semaines. 

L’objectif de l’étude était de vérifier l’efficacité de l’extrait de cannabis ou du delta-9-THC pour le traitement de la spasticité et d’autres symptômes de la SP. Les résultats ont indiqué une réduction de la spasticité auto-rapportée par les patients. Un résultat secondaire inattendu était une réduction des admissions à l’hôpital pour des poussées, tant dans le groupe prenant l’extrait de cannabis que dans celui avec delta-9-THC. Les auteurs ont mentionné que les patients de l’essai avaient une SP à progression lente; étant donné qu’il existe des récepteurs cannabinoïdes sur les cellules du système immunitaire, la réduction du taux de poussées dans une telle affection auto-immune est un résultat qui bénéficierait d’être étudié de façon plus approfondie.

 

Spasticité, douleur, dysfonctionnement de la vessie

Depuis, l’efficacité potentielle des traitements à base de cannabinoïdes a été étudiée principalement pour les symptômes de spasticité, de douleur et de dysfonctionnement de la vessie (lisez plus sur la spasticité de la SP et les traitements à base de cannabinoïdes ici). Il a été démontré que les cannabinoïdes et le système endocannabinoïde jouent un rôle dans la réduction de la spasticité dans des modèles animaux (Chiurchiù et al. 2018 ; Baker et al. 2001 ; Nielsen et al. 2018 ; Zettl et al. 2016). Le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) semble être efficace pour réduire la spasticité dans des modèles animaux et chez l’humain (Nielsen et al. 2018).

 

Revues systématiques

 

Des revues systématiques récents fournissent des détails : 

Nielsen et collègues (2019) ont examiné 27 études et se sont penchés sur la spasticité chez des patients adultes atteints de diverses pathologies, dont la sclérose en plaques (21 études). 

  • Les études analysées ont examiné l’effet du THC, du CBD, des formulations THC:CBD, des cannabinoïdes synthétiques dronabinol et nabilone, du cannabis inhalé (fumé) et des extraits cannabinoïdes oraux. 
  • Les résultats étaient contradictoires entre les études identifiées dans la revue, beaucoup d’entre elles rapportant des effets positifs sur certaines mesures de la spasticité mais pas toutes, et la plupart des effets positifs étant basés sur des mesures évaluées par les patients plutôt que par les cliniciens.

Nielsen et collègues (2018), dans leur revue systématique de 11 revues (32 études) sur les symptômes de la SP et les cannabinoïdes/cannabis, ont conclu que les revues ont identifié des preuves qui soutiendraient des essais de cannabinoïdes pour le traitement de la spasticité chez les patients atteints de SP.

Torres-Moreno et collègues (2018) ont examiné 17 essais cliniques randomisés afin d’évaluer l’efficacité et la tolérance des traitements à base de cannabinoïdes par rapport au placebo pour le traitement des symptômes (spasticité, douleur et dysfonctionnement vésical) chez les patients avec SP. 

  • Les interventions expérimentales étudiées étaient les extraits de cannabis par voie orale ; l’extrait de cannabis par voie oromucosale/nabiximols ; le dronabinol (par voie orale) ; et le nabilone (par voie orale) évalué comme traitement d’appoint à la gabapentine (anticonvulsivant). 
  • Les résultats concernant le symptôme de la douleur ont montré des différences statistiquement significatives en faveur des extraits de cannabis, du nabilone et du dronabinol. 
  • Des différences statistiquement significatives ont été observées en faveur des extraits de cannabis et du dronabinol par rapport au placebo pour le dysfonctionnement de la vessie. 
  • Néanmoins, la plupart des effets thérapeutiques rapportés pour ces deux symptômes étaient faibles. 

Globalement, les études démontrent que les cannabinoïdes ont des propriétés thérapeutiques utiles pour le traitement de certains symptômes de la SP. Les traitements à base de cannabinoïdes, qu’ils soient d’origine végétale ou synthétique, semblent améliorer la perception qu’ont les patients des symptômes de spasticité, de douleur et de dysfonctionnement de la vessie. Cependant, cette efficacité perçue n’est pas clairement démontrée par des mesures objectives fondées sur des données cliniques. C’est à la fois un point négatif, car cela limite les preuves à l’appui des traitements à base de cannabinoïdes, et un indicateur intéressant, car les patients peuvent être plus sensibles à l’amélioration des symptômes que ce qui est mesurable par les cliniciens.

 

Les attentes des cliniciens

Les cliniciens doivent avoir des attentes réalistes quant à l’efficacité des cannabinoïdes, car les effets thérapeutiques peuvent être faibles. Il existe d’autres applications ou symptômes de la SP pour lesquels les cannabinoïdes pourraient être utiles (propriétés modificatrices de l’évolution de la maladie, fonction urinaire), mais les preuves à l’appui sont mitigées.

La recherche sur la SP et les traitements à base de cannabinoïdes est un bon exemple de ce qu’il est possible de faire lorsqu’on poursuit des études rigoureuses : après plusieurs essais cliniques randomisés, la formulation oromucosale de nabiximols a été approuvée au Canada pour l’indication des spasmes dans cette maladie. (GW Pharma Ltd 2012). Cependant, un avis récent de Santé Canada indique que le nabiximols n’est plus reconnu comme traitement de la douleur neuropathique dans la SP en raison du manque de données probantes.

 

La SP à Santé Cannabis

D’après notre plus récente analyse de base de données portant sur 1 275 patients entre juillet 2020 et mars 2021, 34 (2,7 %) patients avaient un diagnostic primaire de SP, et étaient âgés de 23 à 68 ans (moyenne de 49 ans). 25 d’entre eux (73,5 %) sont identifiés comme des femmes.

Parmi ces patients avec la SP, 70% (24 patients) sont venus à Santé Cannabis pour évaluer la possibilité d’obtenir un traitement à base de cannabinoïdes pour la douleur et 15% pour la spasticité. Les autres (5 patients) sont venus pour des troubles du sommeil, des maux de tête, des engourdissements dans les jambes et une rigidité musculaire. Tous les patients présentaient des symptômes secondaires, notamment des troubles du sommeil (19%), de la fatigue (18%), de l’anxiété (14%), de la spasticité (14%), de la dépression (10%), des migraines et des maux de tête (6%), du stress (4%), des problèmes liés à la nutrition (3%) et de la rigidité musculaire (3%). Cette présentation de symptômes multiples corrobore le large spectre de profils de la SP chez les individus et confirme que les patients cherchent à soulager plusieurs symptômes simultanément.

 

En ce qui concerne les antécédents de consommation de cannabis, la plupart des patients n’étaient pas à leur premier essai de cannabis : 50 % avaient essayé le cannabis dans une tentative de se soigner eux-mêmes, 26,5 % l’avaient essayé de manière récréative et 14,7 % ne l’avaient jamais essayé.

Presque tous les patients ont reçu une autorisation pour un traitement incluant au moins un extrait d’huile ingéré. 65% des patients ont reçu une prescription pour une formulation équilibrée en CBD et THC – car si la littérature suggère d’utiliser le THC pour soulager certains symptômes de la SP, le CBD peut aider à contrebalancer certains des effets indésirables du THC.

Grâce à l’utilisation de nos données du monde réel, notre clinique s’efforce d’offrir de meilleurs soins aux patients en faisant progresser la science. 

« Ça fait maintenant 42 ans que je vis avec la sclérose en plaques. J’ai pris toutes sortes de médicaments et petit à petit, mes doses ont dû augmenter et je me suis retrouvée avec des doses très élevées pour plusieurs médicaments. J’avais beaucoup d’effets secondaires et je me sentais parfois comme un zombie. J’avais toujours de la douleur même si j’étais sur les plus hautes doses. C’est à ce moment-là que mon neurologue m’a parlé d’une étude très sérieuse sur le cannabis médical et m’a suggéré d’y participer. J’ai donc tenté ma chance malgré mes appréhensions sur le cannabis en général… Finalement, …, j’ai pu à la fois réduire ma médication et contrôler ma douleur. Je me sens chanceuse que mon neurologue m’ait envoyé dans cette direction. » Lisez le témoignage de Joanne, une patiente de Santé Cannabis.

 

La combinaison d’une formation formelle des professionnels de la santé et d’une recherche de haute qualité est essentielle pour accroître la sélection des traitements de la SP et fournir les meilleurs soins aux patients. 

Joignez-vous à nous pour travailler à l’élaboration de traitements de la plus haute qualité pour les personnes avec la sclérose en plaques.  

Santé Cannabis s’engage à faire progresser les connaissances sur la SP et les traitements à base de cannabinoïdes, et à ce titre, nous offrons des services de recherche aux entreprises et aux institutions intéressées par le développement d’études cliniques. 

Pour les cliniciens qui traitent actuellement des personnes avec la SP et qui souhaitent inclure le cannabis médical à leur pratique, nos préceptorats sont disponibles pour tous les médecins locaux et internationaux. Pour les prescripteurs du Québec, nous offrons également un programme de formation gratuit sur les traitements à base de cannabinoïdes et sur la façon de les prescrire.

 

Auteur

Dr. Lucile Rapin

 

Ressources

https://scleroseenplaques.ca/ 

https://scleroseenplaques.ca/sujets-dactualite/cannabis#

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