TOUT SUR L’ADMINISTRATION DU CANNABIS – PARTIE 1

Comment prend-on du cannabis médical ?  

Si vous imaginez quelqu’un qui fume un joint, vous n’avez pas tort, mais ce n’est pas le seul mode d’administration, ni le plus recommandé.

une fleur de cannabis séchée

Dans les premières années de la légalisation du cannabis médical, les patients fumaient principalement leur cannabis médical, car c’était la seule option légale à l’époque. Depuis, d’autres modes d’administration (et leurs formulations médicales) ont gagné en reconnaissance et en acceptation, tant de la part des patients que des professionnels de la santé qui prescrivent. 

L’administration de traitements à base de cannabinoïdes peut se faire par plusieurs voies : inhalée (dans les poumons), orale (avalée), oromucosale (à travers la muqueuse buccale), transdermique (à travers la peau), oculaire, rectale, etc.  

Si vous voulez apprendre comment cela fonctionne et démystifier certains mythes, plongez avec nous dans le sujet de l’administration du cannabis médical. 

 

DISSIPER LA FUMÉE AUTOUR DE L’ADMINISTRATION PAR INHALATION 

L’inhalation de cannabinoïdes produit un effet rapide, qui peut commencer quelques secondes après l’inhalation ; les effets atteignent leur maximum dans les 3 à 15 min (selon les auteurs) et durent environ 2 à 4 h. [1-3]  

Avec ce mode d’administration, le corps absorbe une forte proportion de cannabinoïdes actifs qui peuvent alors exercer leurs effets sur leur site d’action. Cette forte biodisponibilité varie de 10 à 35 %, et parfois jusqu’à 56 %. La méthode d’inhalation (fumée ou vaporisée) et la technique influencent la biodisponibilité, où la technique peut varier en fonction de la profondeur de l’inhalation, de la durée de la bouffée et de si on retient sa respiration. [1, 2, 4, 5]  

Les prescripteurs considèrent souvent que fumer du cannabis est une méthode inadéquate pour administrer un traitement médical, en raison des sous-produits nocifs de la combustion. [6-8] La vaporisation semble être une méthode d’administration plus sûre, sans fumée, produisant beaucoup moins de sous-produits nocifs que le fait de fumer ; [3, 9, 10] cette dernière méthode peut être moins efficace puisqu’elle détruirait de 30 à 50 % de son contenu en cannabinoïdes. [6] La vaporisation minimise également l’irritation de la gorge et des poumons et peut conduire à des concentrations de cannabinoïdes dans le sang plus élevées comparé au fait de fumer. [3, 6, 11] 

 

MAIS C’EST QUOI LA VAPORISATION ? 

La vaporisation du cannabis consiste à créer de la vapeur avec des cannabinoïdes (et d’autres éléments recherchés comme les terpènes) sans brûler la matière végétale. 

Les termes actuels utilisés pour décrire la vaporisation se chevauchent et compliquent un peu la situation. Il existe deux types de vaporisation: 

  • la vaporisation de cannabis séché  
  • et la vaporisation d’extraits/concentrés de cannabis, également appelée vapotage, ou tamponnage («dabbing») dans le cas des concentrés. 

 

TOUS PAREILS, LES VAPORISATEURS ?  

Chaque méthode de vaporisation nécessite un appareil spécifique, qui n’est pas nécessairement compatible avec l’autre type de vaporisation. Cependant, ces appareils se retrouvent tous sous le nom générique de vaporisateur. 

  • Les vaporisateurs de cannabis séché, appelés aussi vaporisateurs d’herbes sèches («dry-herb» en anglais), utilisent une chaleur plus faible (170 à 230˚C) que celle créée lorsque le cannabis est fumé (500-600˚C), et créent donc moins de sous-produits nocifs. [3, 6] 
  • Les vaporisateurs d’extraits de cannabis, également appelés vapoteuses, cigarettes électroniques, e-cigarettes, stylos de vapotage ou vapes, sont des appareils électroniques portables qui nécessitent des cartouches (ou recharges, vape pods, pods, « vape carts » etc.). 
  • Les vaporisateurs de concentrés de cannabis peuvent être 2 choses : soit un appareil spécialisé de filtration à l’eau et avec un élément chauffant (aussi appelé «dabbing rig» ou pipe à dab), [12] soit un appareil électronique portable (aussi appelé dab pen ou wax pen) avec un petit four pour chauffer les concentrés. Selon l’appareil, les vaporisateurs d’extraits de cannabis ou de concentrés peuvent fonctionner à des températures plus élevées (jusqu’à environ 500˚C). Comme les concentrés ne contiennent que très peu, voire pas du tout, de matière végétale à part les cannabinoïdes et les terpènes, on suppose que leur vaporisation à des températures plus élevées pourrait produire moins de sous-produits nocifs que la combustion de cannabis séché. 

Les concentrés de cannabis varient beaucoup, on retrouve entre autres la rosine, la résine, le «shatter», la cire, le hachisch, le kif, etc.  

Certains prescripteurs préfèrent recommander la vaporisation de cannabis séché plutôt que le vapotage, car Santé Canada a approuvé certains vaporisateurs de cannabis séché comme instruments médicaux de classe II (comme le Volcano Medic™ et d’autres appareils de la marque Storz & Bickel).[13] Le ministère des Anciens combattants et certaines assurances privées peuvent rembourser ces appareils médicaux. 

Le vapotage de produits de cannabis non réglementés a également suscité des inquiétudes en 2019 quand Santé Canada a émis un avertissement concernant les maladies pulmonaires potentielles associées aux produits de vapotage (avec cartouches). [14] L’acétate de vitamine E, un additif présent dans les produits de vapotage illégaux à base de THC, est fortement associé aux lésions pulmonaires associées aux e-cigarettes (ou au vapotage). [15] Santé Canada réglemente étroitement la fabrication des produits de vapotage à base de cannabis médical et interdit les solvants potentiellement dangereux. 

Notez qu’au Québec, il est illégal de fumer ou de vaporiser du cannabis dans un lieu public sans prescription, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur. [16]

vaporisation de type herbe sèche et remplissage de l'appareil avec de la fleur de cannabis moulue

Pour plusieurs patients, fumer ou vaporiser du cannabis n’est pas la meilleure option. La deuxième méthode d’administration la plus courante est la voie orale (ingestion). 

 

L’ADMINISTRATION ORALE  

Par rapport à l’administration par inhalation, qui agit rapidement et pendant une période relativement courte, l’administration par voie orale met un certain temps à produire des effets et ceux-ci durent plus longtemps. Les produits cannabinoïdes ingérés (avalés) agissent après un délai de 1 à 3 heures, et les effets durent environ 6 à 8 heures, ou plus selon la dose, le fait d’avoir mangé et d’autres facteurs individuels. [3] 

Les différents temps d’action entre l’inhalation et l’administration orale s’expliquent par les vitesses d’absorption distinctes. Alors que les cannabinoïdes inhalés passent dans les poumons et atteignent rapidement la circulation sanguine, les cannabinoïdes ingérés sont absorbés dans l’intestin et métabolisés (transformés) par le foie, pour ensuite atteindre la circulation sanguine. Cette absorption est lente et variable ; la biodisponibilité varie de 6 % à 30 %. [5, 17] 

 * Fait important, le foie transforme le THC (plus précisément le delta-9-THC) en un métabolite actif et puissant (le 11-Hydroxy-THC), [18, 19] qui peut contribuer à augmenter les effets secondaires.  

 Certains facteurs d’absorption sont hors de notre contrôle, comme les rythmes de métabolisme individuels (certains étant beaucoup plus rapides que d’autres) et les différences d’absorption liées au sexe ; un facteur qu’on peut contrôler est le fait de prendre de la nourriture en même temps que les cannabinoïdes. [5, 20] Les cannabinoïdes ont une grande affinité avec les lipides (gras) et des études ont montré que l’absorption du THC et du CBD augmente (jusqu’à 5 fois pour le CBD) lorsqu’ils sont pris avec un repas riche en gras. [20, 21] 

L’administration orale comprend plusieurs produits de cannabis médical:  

  • Les huiles, composées d’extraits de cannabis et diluées avec une huile qui joue le rôle de solvant, 
  • Les capsules (ou gélules), contenant une dose précise d’extrait de cannabis dilué avec une huile 
  • Les atomiseurs (sprays) oraux, qui délivrent des gouttelettes d’huile de cannabis, 
  • Les pastilles, les bandes sublinguales et les produits comestibles. 

 

Huile de cannabis médical administrée avec une seringue pour administration orale

Les comestibles («edibles» en anglais) désignent les aliments et les boissons qui contiennent du cannabis et/ou des extraits de cannabis. Si les comestibles constituent une méthode d’administration attrayante à des fins récréatives, tous les prescripteurs ne sont pas d’accord pour dire qu’ils sont une méthode d’administration adéquate pour une utilisation médicale. Les partisans d’un meilleur accès au cannabis médical font valoir qu’un choix plus large de produits ingérés améliore l’accès des patients et peut mieux répondre à leurs besoins individuels.  

 

 

DES MÉTHODES COMPLÉMENTAIRES 

Comme discuté dans notre série sur la douleur chronique, l’administration par voie orale et par inhalation peuvent toutes deux servir dans certains plans de traitement : 

  • L’administration par voie orale peut être utile lorsqu’un traitement nécessite un soulagement de la douleur tout au long de la journée (par exemple), en raison de ses effets prolongés [3] et du dosage précis [22] des produits ingérés. La fréquence d’administration varie alors en fonction de la fréquence de la douleur et peut se faire une à trois fois par jour. [22] 
  • L’administration de cannabis médical par inhalation peut être utile pour soulager rapidement la douleur aiguë, [9, 10] avec un début d’effet rapide, dans les minutes qui suivent l’inhalation. [1-3] La fréquence d’administration se fait généralement au besoin. 

Cependant, un effet rapide est nécessaire dans certains cas, mais l’administration par les poumons ne convient pas en raison d’un problème médical (comme une maladie pulmonaire obstructive chronique) ; dans d’autres cas, l’application locale (sur la peau) pourrait être une méthode d’administration plus directe, par rapport à l’administration orale qui produit des effets sur l’ensemble du corps. Dans ces cas, d’autres méthodes d’administration peuvent s’avérer utiles. 

Soyez à l’affût de la deuxième partie de cet article de blogue, où nous aborderons les sprays oromucosaux, les topiques, les suppositoires et plus encore! 

  

Autrice: Charlotte Bastin  

Licence Creative Commons

Ce(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution 4.0 International.

 

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RÉFÉRENCES: 

  1. Sharma, P., P. Murthy, and M.M.S. Bharath, Chemistry, Metabolism, and Toxicology of Cannabis: Clinical Implications. Iranian Journal of Psychiatry, 2012. 7(4): p. 149-156.
  2. Grotenhermen, F., Pharmacokinetics and pharmacodynamics of cannabinoids. Clinical pharmacokinetics, 2003. 42(4): p. 327–360.
  3. MacCallum, C.A. and E.B. Russo, Practical considerations in medical cannabis administration and dosing. European Journal of Internal Medicine, 2018. 49: p. 12-19.
  4. Vučković, S., et al., Cannabinoids and Pain: New Insights From Old Molecules. Frontiers in Pharmacology, 2018. 9: p. 1259.
  5. Bruni, N., et al., Cannabinoid Delivery Systems for Pain and Inflammation Treatment. Molecules : A Journal of Synthetic Chemistry and Natural Product Chemistry, 2018. 23(10).
  6. Pomahacova, B., F. Van der Kooy, and R. Verpoorte, Cannabis smoke condensate III: the cannabinoid content of vaporised Cannabis sativa. Inhal Toxicol, 2009. 21(13): p. 1108-12.
  7. Notcutt, W.G., Clinical Use of Cannabinoids for Symptom Control in Multiple Sclerosis. Neurotherapeutics, 2015. 12(4): p. 769-777.
  8. Zajicek, J., et al., Cannabinoids for treatment of spasticity and other symptoms related to multiple sclerosis (CAMS study): multicentre randomised placebo-controlled trial. The Lancet, 2003. 362(9395): p. 1517-1526.
  9. Bhaskar, A., et al., Consensus recommendations on dosing and administration of medical cannabis to treat chronic pain: results of a modified Delphi process. Journal of Cannabis Research, 2021. 3(1): p. 22.
  10. MacCallum, C.A., L.A. Lo, and M. Boivin, “Is medical cannabis safe for my patients?” A practical review of cannabis safety considerations. European Journal of Internal Medicine, 2021.
  11. Spindle, T.R., et al., Acute Effects of Smoked and Vaporized Cannabis in Healthy Adults Who Infrequently Use Cannabis: A Crossover Trial. JAMA Network Open, 2018. 1(7): p. e184841-e184841.
  12. Hädener, M., et al., A preliminary investigation of lung availability of cannabinoids by smoking marijuana or dabbing BHO and decarboxylation rate of THC- and CBD-acids. Forensic Sci Int, 2019. 295: p. 207-212.
  13. Health Canada and Government of Canada, Medical Devices Active Licence Listing. 2019.
  14. Health Canada and Government of Canada, Information Update – Health Canada warns of potential risk of pulmonary illness associated with vaping products. 2019.
  15. Public Health Agency of Canada, Vaping-associated lung illness. aem, 2020.
  16. Gouvernement du Québec, The legislation on cannabis. Regulation of cannabis in Québec, 2020.
  17. Lucas, C.J., P. Galettis, and J. Schneider, The pharmacokinetics and the pharmacodynamics of cannabinoids. British Journal of Clinical Pharmacology, 2018. 84(11): p. 2477-2482.
  18. Lemberger, L., et al., Comparative pharmacology of Delta9-tetrahydrocannabinol and its metabolite, 11-OH-Delta9-tetrahydrocannabinol. J Clin Invest, 1973. 52(10): p. 2411-7.
  19. Goullé, J.P., E. Saussereau, and C. Lacroix, Pharmacocinétique du delta-9-tétrahydrocannabinol (THC). Annales Pharmaceutiques Françaises, 2008. 66(4): p. 232-244.
  20. Lunn, S., et al., Human Pharmacokinetic Parameters of Orally Administered Δ9-Tetrahydrocannabinol Capsules Are Altered by Fed Versus Fasted Conditions and Sex Differences. Cannabis and Cannabinoid Research, 2019. 4(4): p. 255-264.
  21. Taylor, L., et al., A Phase I, Randomized, Double-Blind, Placebo-Controlled, Single Ascending Dose, Multiple Dose, and Food Effect Trial of the Safety, Tolerability and Pharmacokinetics of Highly Purified Cannabidiol in Healthy Subjects. CNS Drugs, 2018. 32(11): p. 1053-1067.
  22. MacCallum, C.A., et al., Practical Strategies Using Medical Cannabis to Reduce Harms Associated With Long Term Opioid Use in Chronic Pain. Front Pharmacol, 2021. 12: p. 633168.