Une urgence de santé publique : Crise des opioïdes

Le cannabis médical peut-il jouer un rôle ?

Épidémie d’opioïdes en Amérique du Nord

« Trop de Canadiens subissent la douleur de la perte d’un être cher ayant fait une surdose… L’usage de substances et la dépendance sont des problèmes d’ordre médical, et non moral. »

L’honorable Patty Hajdu

Ministre de la santé

 

Le 14 avril 2016, le responsable provincial de la santé de la Colombie-Britannique a déclaré que les décès par surdose liés aux opioïdes constituaient une urgence de santé publique en vertu de la loi sur la santé publique.  Un décompte des jours reste actif sur la page de la ville de Vancouver, car beaucoup travaillent sans relâche pour mettre fin à l’état d’urgence.

Jours depuis que la crise des surdoses a été déclarée urgence de santé publique en Colombie-Britannique

(1,959 jours au moment que nous l’avons pris du site. Le compte continue ici).

La Colombie-Britannique et l’Alberta restent les régions les plus touchées du Canada, bien que les taux augmentent dans d’autres régions, notamment en Ontario. « La pandémie de COVID-19 en cours aggrave l’état de la santé publique en ce qui a trait aux surdoses d’opioïdes et des décès. Elle a un impact tragique sur les personnes qui consomment des substances, leurs familles et les communautés à travers le Canada

Autres articles (en anglais) ici et ici

À l’échelle nationale, le Canada a connu 21 174 décès apparemments dus à la toxicité des opioïdes entre janvier 2016 et décembre 2020, dont 6 214 décès en 2020, (environ 17 décès par jour), dont 96 % étaient accidentels (non intentionnels).

Vancouver, l’une des villes les plus durement touchées, a tenté de mettre en œuvre des solutions novatrices pour faire face à la crise, notamment en cherchant à décriminaliser la possession simple de drogues illicites à Vancouver, en approuvant la stratégie antidrogue à quatre piliers : réduction des risques, prévention, traitement et application de la loi. Cette stratégie est basée sur des programmes instaurés dans des villes comme Genève, Zurich, Francfort et Sydney qui ont du succès. Aussi, Vancouver accueille le premier site d’injection supervisé et d’échange de seringues légal en Amérique du Nord.

Malgré la crise, des opioïdes sont encore prescrits chaque jour par les médecins, principalement pour traiter la douleur. Dans des pays comme les États-Unis, le cannabis est toujours classé au tableau 1 du Tableaux de substances contrôlées, bien que l’on sache que les surdoses mortelles sont impossibles avec le cannabis, alors que les surdoses d’opioïdes sont une urgence de santé publique. 

Comme les opioïdes sont utilisés pour traiter la douleur, il s’ensuit que la réduction du nombre d’opioïdes prescrits aux patients souffrant de douleur pourrait également réduire le nombre de personnes dépendantes à ces substances.  Le gouvernement fédéral inclut le rapport du Groupe de travail canadien sur la douleur (GTCD) de mars 2021 comme un point fort récent de ses actions sur les opioïdes. 

«Objectif no 2 – Les gens ont un accès équitable et cohérent à un continuum de soins et de soutien pour la douleur en temps opportun qui s’appuient sur des données probantes et qui sont axés sur la personne dans toutes les juridictions» inclue «Soutenir l’élaboration, la diffusion et l’évaluation d’orientations cliniques qui s’appuient sur des données probantes à l’intention des professionnels de la santé qui autorisent l’accès au cannabis à des fins médicales pour traiter et gérer la douleur chronique, tout en travaillant activement à soutenir plus de recherches sur les applications potentielles.»

Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée internationale de sensibilisation aux surdoses, nous allons explorer certains des traitements de la douleur à base de cannabis médical qui font l’objet de recherches et qui sont disponibles dans notre clinique, ainsi que les résultats associés.

 

Les opioïdes et la douleur chronique  

Les opioïdes sont une classe de médicaments principalement utilisés pour traiter la douleur. 

Environ 1 personne sur 4 au Canada vit avec de la douleur chronique ; c’est un énorme problème de santé publique à l’échelle mondiale. 

La douleur chronique est une douleur qui dure ou réapparaît pendant plus de trois mois. Ça ne se limite pas à l’expérience douloureuse physique ; c’est aussi associé à plusieurs autres symptômes.

La douleur provoque également une réponse émotionnelle, entraînant anxiété ou stress, dépression, etc. Lorsque la douleur n’est pas soulagée, la vie peut devenir centrée sur la douleur.

Diagramme montrant le cercle vicieux dans lequel se trouvent les patients souffrant de douleurs chroniques

Les opioïdes sont une classe de médicaments principalement utilisés pour traiter la douleur. La douleur chronique est reconnue comme un énorme problème de santé publique à l’échelle mondiale. Malgré des données très variables, la prévalence estimée de la douleur chronique chez les adultes est de 18,9 % au Canada (Schopflocher et al., 2011). 

La gestion de la douleur comprend des traitements pharmacologiques et non pharmacologiques, mais les médicaments opioïdes restent le standard de traitement malgré des problèmes de sécurité importants et le risque de trouble lié à l’utilisation, estimé à 46,6 % chez ceux qui prennent des opioïdes (Marel et al., 2019). 

Le trouble lié à l’utilisation d’opioïdes concerne à la fois les opioïdes prescrits et les opioïdes fabriqués illicitement, comme l’héroïne ou le fentanyl de rue qui sont très puissants.

 

Le traitement du trouble lié à l’utilisation d’opioïdes

La dépendance n’est pas un choix : il s’agit d’un problème médical traitable qui nécessite un large éventail de soins et d‘options de traitement.

Le traitement par agonistes opioïdes (TAO) est utilisé pour traiter les personnes souffrant de troubles liés à l’utilisation d’opioïdes. Cette thérapie consiste principalement en un traitement à la méthadone, à l’hydromorphone ou à la buprénorphine/naloxone. Si cette thérapie peut avoir un impact sur la mortalité liée aux opioïdes, son efficacité reste discutable, de nombreuses personnes continuant à consommer des opioïdes alors qu’elles sont sous traitement (Stone et al., 2018).

Plusieurs sites d’injection supervisés mettent ces médicaments à la disposition des consommateurs d’opioïdes. 

Le Centre de toxicomanie et de santé mentale a récemment publié un ensemble de lignes directrices pour le traitement par agonistes opioïdes du trouble lié à l’utilisation d’opioïdes (CAMH, 2021).

 

Le cannabis comme traitement d’appoint potentiel de la douleur chronique non cancéreuse

Pour aider les patients à passer d’une vie centrée sur la douleur à une vie centrée sur la fonctionnalité, nous devons leur donner les moyens de prendre en charge leur propre santé pour améliorer leur fonctionnalité et leur qualité de vie. Les professionnels de la santé de notre clinique aident les patients à s’aider eux-mêmes.

Schéma d'une vie fonctionnelle pour un patient souffrant de douleur chronique

Dans ce contexte, l’utilisation d’opioïdes dans le traitement de la douleur chronique fait l’objet d’un débat important et les options de traitement alternatives suscitent un intérêt croissant.

Opioïdes = pas si efficaces, effets secondaires importants, risque de dépendance, surdose

Traitements à base de cannabinoïdes = quelque peu efficace, effets secondaires légers, risque minimal de dépendance, pas de surdose

Les traitements à base de cannabinoïdes (TBC) peuvent constituer une option thérapeutique complémentaire sûre dans le cadre de douleurs réfractaires et de symptômes associés, en raison de leurs effets analgésiques potentiels chez les patients ayant des douleurs chroniques (Urits et al., 2019). Certaines études observationnelles ont rapporté une réduction de l’utilisation d’opioïdes pour la gestion de la douleur après avoir commencé un traitement à base de cannabinoïdes (Boehnke et al., 2019 ; Safakish et al., 2020). 

Dans une étude observationnelle récente, 28,1 % des participants ont déclaré utiliser des opioïdes au départ, pour diminuer à 11,3 %  six mois après le traitement au cannabis médical (Lucas et al., 2021). 

Une revue par Okusanya et ses collègues (2020) a analysé 9 études (7222 participants) et a montré « une réduction de 64-75% de la dose d’opioïdes lorsqu’elle est utilisée en combinaison avec les TBC et l’utilisation de TBC pour la substitution des opioïdes a été rapportée par 32-59,3% des patients souffrant de douleurs chroniques non cancéreuses » (traduction libre).

 

Le traitement à base de cannabis médical pour la douleur chronique chez Santé Cannabis

«La douleur chronique est une épidémie dans la société nord-américaine ; la traiter avec des opioïdes mène à la crise de surdoses d’opioïdes. Il a été prouvé que le cannabis médical fonctionne à la fois pour les douleurs malignes et non malignes, et peut donc être extrêmement utile en tant que traitement individualisé avec un effet d’épargne des opioïdes. 

De plus, l’anxiété, la dépression et les troubles du sommeil sont liés à la douleur chronique et répondent tous à certaines variétés de cannabis médical. 

Une mort par surdose de cannabis médical est hautement improbable (OMS, 2018). Dans l’ensemble, en augmentant le cannabis médical, nous pouvons diminuer les opioïdes, ce qui entraînera une diminution des morts par surdose. Avec un suivi adéquat des patients, le bon dosage et les bonnes souches, nous espérons voir un changement permettant aux patients de cesser leur utilisation chronique d’opioïdes.» 

-Dr Michael Dworkind, MD, Directeur médical.

Nos données les plus récentes montrent qu’environ 75% de nos patients viennent à la clinique pour examiner la possibilité d’un traitement à base de cannabinoïdes pour des douleurs 

chroniques non cancéreuses qui ne sont pas soulagées par les traitements conventionnels. 

 Après trois mois de traitement, les scores d’intensité de la douleur et d’interférence liée à la douleur, mesurés à l’aide d’échelles validées auto-évaluées de 0 à 10, ont diminué de manière significative, suggérant une amélioration de l’intensité de la douleur.

 Les effets secondaires sont ressentis par environ 30% des patients et comprennent la somnolence, les vertiges, les maux de tête et la fatigue. La majorité d’entre eux sont légers et transitoires. Le personnel de notre clinique est bien formé à la surveillance de ces effets secondaires et les stratégies pour les atténuer comprennent la diminution de la dose ou l’ajustement de la formulation du produit. Certaines de ces données ont été présentées lors d’une récente conférence scientifique, vous pouvez trouver plus d’informations à ce sujet ici.

Dans l’ensemble, les traitements à base de cannabinoïdes sont généralement recommandés comme traitement d’appoint pour les douleurs chroniques non cancéreuses. Lorsqu’on envisage un traitement à base de cannabinoïdes, il est important qu’une discussion ait lieu entre le prestataire de soins et le patient dans le cadre d’un processus de décision partagé (Chang et al., 2021). En effet, l’efficacité des cannabinoïdes, les effets indésirables potentiels, le coût et la stigmatisation associée doivent être abordés afin que les patients soient bien renseignés.

Un graphique montrant les symptômes secondaires des patients souffrant de douleurs chroniques chez Santé Cannabis

De plus, les données recueillies à Santé Cannabis montrent que le cannabis médical peut traiter la douleur et les troubles du sommeil.  Notre équipe de soins de santé utilise le cannabis médical comme traitement d’appoint pour la douleur chronique. (Häuser, W., et al. 2018)

 

Algorithme basé sur un consensus

Une initiative canadienne récente a produit un algorithme consensuel sur l’introduction en toute sécurité de traitements à base de cannabinoïdes et la réduction progressive des opioïdes chez les patients ayant de la douleur chronique. Selon cet algorithme, les traitements à base de cannabinoïdes peuvent être envisagés chez les patients ayant de la douleur chronique qui prennent des opioïdes et qui n’atteignent pas leurs objectifs de traitement, qui ont des effets indésirables liés aux opioïdes ou qui risquent de subir des méfaits liés aux opioïdes (Sihota et al., 2021). L’algorithme ne prévoit pas de restriction sur l’âge, étant donné qu’il n’y a aucune raison valable d’éviter de prescrire un traitement à base de cannabinoïdes avant un certain âge si le patient prend déjà des opioïdes.

 

 

Envisager une fin à l’état d’urgence

Nous attendons avec impatience le jour où la crise des opioïdes ne sera plus considérée comme un état d’urgence. Il n’existe pas de stratégie unique pour résoudre ce problème. Des projets tels qu’une diminution de la stigmatisation, la prévention de la douleur, la création de centres de réhabilitation, la réduction de l’utilisation d’opioïdes et bien d’autres doivent fonctionner ensemble afin de réduire le nombre de vies perdues tragiquement.

Chez Santé Cannabis, nous faisons une petite partie du travail à accomplir, en proposant aux gens une alternative aux opioïdes pour traiter les symptômes de la douleur chronique. Nous attendons avec impatience le jour où le cannabis médical sera une option pour un plus grand nombre de patients lorsqu’ils chercheront de l’aide pour leur douleur auprès de leur médecin de famille. 

Pour les médecins et les infirmier·ère·s praticien·ne·s spécialisé·e·s du Québec qui souhaitent contribuer à mettre fin à l’état d’urgence, nous proposons le Programme de formation pour prescripteurs qui fournit des informations pratiques sur l’utilisation clinique du cannabis médical. Nous venons justement de publier un nouveau module sur la douleur non cancéreuse et le cannabis médical. Inscrivez-vous gratuitement ici

 

Ressources (principalement en anglais) 

https://www.nature.com/articles/d41586-019-02686-2

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32419434/

https://health-infobase.canada.ca/substance-related-harms/opioids-stimulants/maps

 

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